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Des légumes & des antioxydants, contre le cancer

Les antioxydants sont des acteurs importants de la santé. Dans une alimentation équilibrée, ils sont apportés par les fruits et légumes. Encore faut-il en consommer suffisamment.

Les Belges ne mangeraient-ils assez de légumes et de fruits? La consommation en 2008 pour l’ensemble de la population belge – et non plus seulement pour les enfants – était en moyenne de 343 g/j1. Et il fallait ajouter la consommation de jus de fruits pour arriver aux 400 g recommandés par l’OMS. Mais même si la moyenne rejoint les objectifs, on peut se douter qu’il existe de sérieuses inégalités à travers le pays. Ainsi, la même année, la consommation moyenne chez les enfants était à 242 g par jour (137 g de fruits et 105 g de légumes). Cela ne représente que 61% de ce que recommande l’Organisation mondiale de la santé pour un enfant de moins de 11 ans. Les études épidémiologiques indiquent pourtant qu’une consommation plus élevée de fruits et légumes est associée à un plus faible risque d’affections chroniques, telles que maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de certains cancers (bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac et poumons)2. Or, une des raisons pour lesquelles ces aliments ont un intérêt est leur apport en antioxydants.

Stress oxydant et cancer

Les processus d’oxydation constituent l’une des activités métaboliques fondamentales indispensables à la vie. Qu’il suffise de penser aux phosphorylations oxydatives qui se déroulent dans la mitochondrie et qui président à la production de la plus grande proportion de l’ATP dont nos cellules ont besoin comme source immédiate d’énergie pour leurs nombreuses fonctions. Mais les oxydations produisent des radicaux libres, molécules très instables et hautement réactives, qui peuvent endommager les structures vitales de nos cellules. C’est ce qu’on appelle le stress oxydatif ou oxydant, soupçonné de contribuer à la survenue de nombreuses maladies, parmi lesquelles la maladie d’Alzheimer et celle de Parkinson, le cancer, des affections oculaires, cardiaque et la polyarthrite rhumatoïde4. Les rayonnements et toute une série de contaminants de l’environnement peuvent aussi favoriser la formation de radicaux libres. Un des facteurs qui sont bien connus pour générer des radicaux libres est la consommation de tabac sous toutes ses formes. Et malheureusement ce facteur s’est également forgé une triste réputation en raison de sa capacité à favoriser l’apparition de cancers, non seulement au niveau des poumons mais encore au niveau de toute une série d’organes internes et de cavités (bouche, larynx, fosses nasales, sinus, …). L’organisme produit ses propres antioxydants et en tire également de l’alimentation. Ils sont abondants dans les légumes, les céréales, le thé, et les noix, notamment. On peut également en trouver sous forme de compléments alimentaires.

De plus en plus évident

Il apparaît de plus en plus clairement que les antioxydants présents dans les aliments jouent un rôle dans la prévention de différents cancers. A titre d’exemple, citons une récente revue de la littérature publiée par Zhou et Rahffoul5, à propos des propriétés antioxydantes des raisins. Bien qu’ils soient abondamment consommés frais ou séchés dans le monde entier, on peut aussi extraire de leur peau ou de leurs pépins des composés phénoliques qui sont de puissants capteurs et chélateurs des radicaux libres et qui inhibent l’oxydation des lipides dans de nombreux modèles cellulaires in vitro. Ils agissent sur le facteur de croissance épidermique (epidermal growth factor), inhibent la surexpression de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2), des prostaglandines et des récepteurs de l’oestradiol. Ils interfèrent aussi avec les voies de signalisation intracellulaires des récepteurs aux oestrogènes. Toutes ces actions aboutissent à l’interruption du cycle cellulaire et à l’apoptose. Grâce à cette dernière, véritable processus de mort cellulaire programmée, les cellules anormales sont éliminées. Ces activités ont également été démontrées chez l’animal. Quant à savoir ce qu’il en est in vivo chez l’homme, les résultats sont contradictoires. Il existe néanmoins un faisceau croissant d’arguments tirés d’essais cliniques pour considérer que la consommation de raisins, de vin et de jus de raisin contribuerait à la prévention du cancer. Plus généralement, celle de fruits et légumes semblent avoir une influence positive6.

Difficultés méthodologiques

La revue de Zhou et Raffoul illustre bien la difficulté de mettre en évidence un effet préventif des compléments alimentaires aux antioxydants en nutrition humaine. Pour mieux comprendre cette difficulté, il faut se souvenir qu’il est impossible d’isoler un facteur nutritionnel des autres et qu’il y a toujours des interférences d’autre facteurs, y compris des facteurs non nutritionnels (génétiques, environnementaux, …). Cela est vrai aussi pour la prise de compléments en antioxydants, d’autant plus qu’on en connaît de nombreux types. Mais il est difficile également d’estimer globalement l’impact des antioxydants sur tous les types de cancers, car la sensibilité de ceux-ci est probablement différente.

La difficulté de mettre des effets en évidence ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effet. Le premier grand essai randomisé mené dans le domaine de la prévention des cancers par les antioxydants a été publié en 1936. C’était la Chinese Cancer Prevention Study, qui a évalué l’effet d’une association de bêta-carotène, de vitamine E, et de sélénium chez des Chinois et Chinoises en bonne santé mais à haut risque de cancer gastrique7. Cette étude a montré que l’association diminuait la risque de cancer (tous types confondus) et celui du cancer de l’estomac. Une publication récente de Wei Zhang et al.8 rapporte l’analyse de 132.837 dossiers de femmes et d’hommes enrôlés dans la Shanghai Women’s Health Study entre 1997 et 2000 et dans la Shanghai Men’s Health Study entre 2002 et 2006. Cette analyse conclut que la vitamine E, qu’elle provienne de l’alimentation ou de suppléments, est associée à une moindre incidence des cancers du foie.

Une question d’équilibre

On trouve donc des études qui suggèrent que l’on peut contribuer à la prévention de certains cancers en recourant aux antioxydants. Toutefois, rien n’est simple. Les effets sur les différents types de cancers ne sont sans doute pas identiques. La place nous manque pour discuter ici les cancers site par site. Les effets sont sans doute différents aussi selon les groupes de patients9. Ensuite, il faut se souvenir que dans l’organisme, les antioxydants constituent une chaîne. Il n’est donc pas utile de prendre un seul d’entre eux et il faut faire appel à des associations. Enfin, il existe une toxicité et comme l’a montré l’étude SELECT10, cette toxicité peut aller jusqu’à augmenter le risque de certains cancers. Mieux vaut donc sélectionner soigneusement les patients qui ont besoins de suppléments en antioxydants et les encourager à augmenter leur consommation de fruits et légumes. Les recherches se poursuivent pour mieux évaluer l’intérêt des antioxydants dans la prévention des cancers.

Encadré: Consommation moyenne

Dr Jean Andris

Références:

1. Elmadfa I et al. (2009). European Nutrition and Health Report 2009. Forum Nutrition 62:1-405.

2. European Food Information Council (EUFIC). Consommation de fruits et de légumes en Europe – Les Européens en mangent-ils assez? Janvier 2009.
Consulter l'article

3. European Food Safety Authority (2008). Concise Database summary statistics - Total population. Disponible sur le site:
Consulter l'article

4. National Center for Complementary and alternative medicine (NCCAM, USA.) Antioxidant Supplements for Health: An Introduction.
Consulter l'article. En anglais, consulté en décembre 2012.

5. Zhou1 K, Raffoul JJ. Potential anticancer properties of grape antioxidants. Journal of Oncology 2012, 8 pages. DOI 10.1155/2012/803294.

6. Boeing H, Bechthold A, Bub A et al. Critical review: vegetables and fruit in the prevention of chronic diseases. Eur J Nutr (2012) 51:637–663. DOI 10.1007/s00394-012-0380-y

7. Blot WJ, Li JY, Taylor PR, et al. Nutrition intervention trials in Linxian, China: supplementation with specific vitamin/mineral combinations, cancer incidence, and disease-specific mortality in the general population. J Natl Cancer Inst 1993; 85: 1483–91.

8. Wei Zhang, Xiao-Ou Shu, Honglan Li et al. Vitamin intake and liver cancer risk: a report from two cohort studies in China. Journal of the National Cancer Institute, 2012. DOI 10.1093/jnci/djs27

9. National Cancer Institute. Antioxidants and cancer prevention: fact sheet. 2004.
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10. National Cancer Institute. Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial (SELECT). 2011.
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