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La xérostomie du patient cancéreux

On n’accorde généralement pas assez d’attention à la sécheresse buccale du patient cancéreux. Pourtant, de nombreuses causes peuvent être à l’origine de cet état et il existe des solutions pour améliorer la situation buccale du patient.

Les soins supportifs sont ceux que l’on administre aux patients cancéreux pour lutter contre les inconvénients créés par leur maladie ou par son traitement. En fait, le terme vise tous les soins autres que les traitements anticancéreux spécifiques1. Il s’agit de lutter contre les infections, la douleur, les effets secondaires cutanés, etc. L’objectif est de favoriser une meilleure qualité de vie pour le patient et de lui éviter autant que possible les complications. Il ne faut pas confondre avec les soins palliatifs, qui peuvent avoir les mêmes objectifs et faire appel aux mêmes techniques, mais concernent les patients pour lesquels tout traitement à visée curative est dépassé.

Une situation fréquente

Un des effets secondaires fréquemment rencontrés est la xérostomie ou sécheresse de bouche. La salive intervient dans de nombreuses fonctions, telles que la lubréfication des aliments et un début de digestion, l’immunité, la protection et la réparation tissulaire, etc.2 Une insuffisance de production entraîne non seulement une sensation désagréable pour le patient mais encore le prive des fonctions qu’exerce ce liquide biologique. Par exemple, l’importance de la salive dans la déglutition est bien documentée. Dans des circonstances normales, la déglutition est entamée lorsque les forces de cohésion entre les particules alimentaires du bolus sont à leur maximum. Si ce maximum ne peut être atteint parce que la salive n’est pas assez abondante ou qu’elle est de qualité insuffisante (viscosité par exemple), des difficultés d’avaler surviennent pour le patient, avec risque d’étranglement3. Et cela va sans compter avec les difficultés de mastication, l’altération du goût déjà potentiellement perturbé par certaines chimiothérapies et même des difficultés dans la parole. Par ailleurs, la sécheresse de bouche peut aussi modifier le pH de la cavité buccale, ce qui ouvre la voie aux ulcérations, aux caries dentaires et aux infections. Enfin, l’impact de la xérostomie sur la qualité de vie du patient peut être fortement négatif4. Un traitement radiothérapique sur la sphère ORL entraîne très souvent une atteinte des glandes salivaires, parce qu’il est difficile de les exclure du champ d’irradiation. Il est donc important, lorsqu’on s’occupe de la nutrition des patients cancéreux, de s’inquiéter de leur production salivaire5. Cela ne concerne pas seulement les patients irradiés en région de la tête et du cou. Il existe en effet de nombreuses causes de dysphagie chez les patients cancéreux, quel que soit l’organe atteint et une insuffisance salivaire risque fortement d’aggraver cette dysphagie. Or, on estime que 40% des patients sous chimiothérapie souffrent de sécheresse de bouche. Celle-ci est habituellement transitoire mais peut durer jusqu’à huit semaines après la fin de la chimiothérapie6. Une hyposialie (production insuffisante de salive) ou une asialie (absence ou quasi-absence de production) se détecte d’après l’anamnèse, l’observation de l’aspect de la bouche et de la langue (sécheresse, fissures, ulcérations) ou encore avec des tests simples comme le test au sucre (un morceau fond normalement dans la bouche en 3 min.), avec une tigette à pH (moins de 6,5 n’est pas normal) ou encore avec trois tampons de coton préalablement pesés (placés en bouche au niveau des orifices des canaux excréteurs, ils doivent ramener au moins 2g de salive en 5 minutes). D’autres examens peuvent être pratiqués en milieu spécialisé.

Des solutions accessibles

La prise en charge de la xérostomie du patient cancéreux passe par une augmentation de l’ingestion de liquides, allant jusqu’à 25-30 ml/kg/j. Les repas seront abondamment accompagnés de liquides. Prendre ceux-ci à la paille limitera le contact avec la muqueuse et favorisera la salivation. On conseillera au patient de préférer les aliments humides plutôt que les secs et ceux qui sont mous plutôt que ceux qui sont durs. Les sauces, purées, bouillons, préparations liquides adaptées, voire crèmes glacées (molles). Les fruits acides, si le patient les supporte, peuvent eux aussi stimuler la sécrétion salivaire, de même que les friandises à sucer et le chewing gum. On évitera les boissons alcoolisées et le tabac6.

Le remplacement salivaire est une mesure importante. Il faut opter pour une salive de substitution qui ne provoque pas d’effets secondaires locaux ni généraux et qui restaure un maximum de fonctions de la salive naturelle. Les simples lubrifiants ne remplacent bien évidemment qu’une seule de ces fonctions. C’est vrai aussi pour les substituts à visée protectrice de la muqueuse. On complètera le traitement par des soins de bouche attentifs et une hygiène buccale stricte.

Dr Jean Andris

Références:

1. Revolon Terrasson P, Ruys JF. Soins de support. Point de vue des soignants. Institut Gustave Roussy 2004.

http://www.bipecongresante.com/pdf/ruiz1_2004.pdf. En français, consulté en janvier 2012.

2. Farnaud SJC, Kosti O, Getting SJ et al. Saliva: physiology and diagnostic potential in health and disease. TheScientificWorldJOURNAL 2010; 10: 434-56.

3. Raber-Durlacher JE, Brennan MT, Verdonck-de Leeuw IM. Swallowing dysfunction in cancer patients. Support Care Cancer (2012) 20:433–443.

4. Cheng SCH, Wu VWC, Kwong DLW. Assessment of post-radiotherapy salivary glands. Br J Radiol 2011; 84: 393–402.

5. Lee T-F, Chao P-J, Wang H-Y et al. Normal tissue complication probability model parameter estimation for xerostomia in head and neck cancer patients based on scintigraphy and quality of life assessments. BMC Cancer 2012, 12: 567.

6. Calixto-Lima L, Martins de Andrade E, Gomes AP. Dietetic management in gastrointestinal complications from antimalignant chemotherapy. Nutr Hosp. 2012; 27(1): 65-75.


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