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Diété-Toc N°70
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Chitosan : maigres résultats pour le «fat blocker»

Le chitosan est présenté comme un « aimant antigraisse ». Il réduirait, à l'instar de certains médicaments, l'absorption intestinale des graisses. Son efficacité a fait l'objet d'une évaluation rigoureuse, et si les résultats ne sont pas nuls, ils sont jugés cliniquement insignifiants...

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 70, Mars/Avril 2005

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Dans le marché juteux des solutions « faciles » pour perdre du poids, le chitosan s’est fait une place au soleil. Le concept est séduisant : cette fibre d’origine marine se fixe aux graisses dans l’intestin, empêchant ainsi leur absorption. Vendu sous des noms évocateurs tels que « fat binder» ou « fat blocker », le chitosan, est obtenu à partir de carapaces de crustacés : la chitine qu’elles renferment (polymère de N-acétyle glucosamine) subit une réaction de déacétylation, ce qui lui conférerait la capacité à se fixer aux lipides chargés négativement. Les publicités affirment qu’elle peut lier 8 à 10 fois son poids en graisse. A la clé, une réduction de l’assimilation des graisses, une diminution du poids et une amélioration du bilan lipidique sanguin.

Données contradictoires

D’après une meta-analyse, la perte de poids engrangée avec le chitosan est, en moyenne, de 3,3 kg de plus qu’avec un placebo (1). Précisons cependant que cette meta-analyse n’est pas basée sur un recensement exhaustif des études sur le sujet, mais porte uniquement sur 5 essais italiens, impliquant au total 386 participants, et qui ont été fournis par le même fabricant et publiés dans le même journal au cours d’une période de 2 ans. D’autres études n’ont pas trouvé d’effet significatif pour le chitosan.

Partant du constat d’un manque évident de preuves sur l’intérêt du chitosan, malgré certaines données pertinentes, une équipe de chercheurs néo-zélandais a entrepris ce qui à ce jour constitue la plus grande étude sur le chitosan, avec le plus grand nombre de visites de suivi et de paramètres mesurés (2). Ils ont enrôlé 250 participants obèses (82 % de femmes, BMI moyen = 35,5 kg/m², âge moyen = 48 ans) qui ont été répartis dans un groupe intervention (3 g de chitosan par jour) ou placebo. Tous ont bénéficié des mêmes conseils standardisés pour la perte de poids, portant sur l’alimentation et le style de vie. Outre le poids, les auteurs ont aussi mesuré l’évolution du BMI, du tour de taille, du pourcentage de graisse corporelle, la pression sanguine, les lipides plasmatiques, la glycémie, les vitamines liposolubles plasmatiques, les graisses fécales. L’intervention a duré 24 semaines, et les mesures ont été effectuées toutes les 4 semaines.

Pour un demi-kilo

L’analyse des résultats entre le début et la fin de l’intervention montre que le groupe chitosan a effectivement perdu plus de poids (- 0,39 kg +/- 0,21 kg) que le groupe contrôle (+ 0,17 kg +/- 0,16 kg). Pour les auteurs, cette différence d’environ un demi-kilo, bien que statistiquement significative (p = 0,03), ne peut pas être considérée comme étant d’une grande signification d’un point de vue clinique. Idem pour les triglycérides, le cholestérol LDL et la glycémie, dont l’évolution favorable avec le chitosan est jugée cependant trop faible pour avoir une importance clinique. Aucune différence significative n’apparaît pour l’évolution du tour de taille ou celle de la teneur en graisse corporelle.

Les chercheurs concluent qu’un traitement au chitosan de 24 semaines ne résulte pas en une perte de poids cliniquement significative. Une conclusion confortée par les résultats des analyses fécales, qui ne montrent aucun effet du chitosan sur l’excrétion des lipides. Voilà qui illustre bien le décalage qu’il peut y avoir entre des effets mineurs d’un produit, ses effets revendiqués et son utilité dans la pratique.

Nicolas Guggenbühl

(1) Ernst E et al. Perfusion 1998;11:461-465.
(2) Mhurchu C Ni et al. International Journal of Obesity 2004;28:1149-1156.

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