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Gastronomie et santé: le syndrome du plaisir coupable

Plaisir et alimentation saine sont-ils réellement incompatibles ? C'est en tout cas le sentiment des européens interrogés au cours d'une vaste enquête menée par OLA. Morceaux choisis.



Par Nicolas Rousseau, Diététicien Nutritionniste

" HEALTH & FOOD " numéro 83, Juin - Juillet
2007

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Intitulée « Alimentation équilibrée : attitudes et habitudes », l'étude du célèbre glacier a le mérite d'évaluer en profondeur les comportements aux différents repas de la journée et face aux aliments qui composent le snacking ou grignotage. Conduite dans 5 pays (Italie, France, Royaume-Uni, Allemagne et Suède), elle comportait 150 participants par pays, âgés de 25 à 60 ans. Le premier volet de l'enquête, consacré aux attitudes et aux comportements envers l'alimentation saine, était constitué par des interviews en face-à-face au domicile du participant. Le second volet, dédié aux glaces et aux produits de snacking s'effectuait de manière autoadministrée dans un carnet alimentaire pendant 7 jours.

Plus facile à dire qu'à faire

Deux tiers des européens déclarent veiller à manger équilibré. Paradoxalement, ils sont presque aussi nombreux à avoir du mal à suivre un « régime sain » à long terme. Plus de la moitié avouent que l'étiquetage alimentaire les aide dans leur choix. L'étiquette joue son rôle d'information, mais les messages demeurent en partie incompréhensibles. De nombreuses confusions existent aussi en termes de bilan nutritionnel, notamment sur les apports caloriques du secteur des collations. Le plaisir de manger est également bridé par les principes d'une alimentation saine : près de 40 % des sondés estiment qu'ils sont totalement inconciliables ! En revanche, la plupart s'accordent à dire qu'un peu de plaisir à table chaque jour permet plus aisément de maintenir le bon cap à long terme.

Les Français font durer le plaisir

Des différences culturelles importantes apparaissent. Les Italiens sont les plus rigoureux. Ils choisissent avant tout des produits sains, excluent d'emblée les produits de plaisir et sont totalement en désaccord avec le fait que manger « un petit peu de ce dont on a envie ne peut s'avérer que profitable »... Les Français sont beaucoup plus « libertins » en matière d'alimentation. Manger est avant tout un plaisir et ils marquent peu d'intérêt pour les calories, l'étiquetage ou encore le choix d'aliments sains. Au Royaume-Uni, la démarche est purement anglo-saxonne : régulièrement au régime, les Britanniques ont du mal à concevoir une alimentation saine à long terme, sont « obsédés » par les calories et considèrent l'étiquetage nutritionnel comme une étape nécessaire vers l'alimentation équilibrée. Les Allemands adoptent le même comportement. En Suède, les consommateurs sont avertis : le plaisir fait partie intégrante d'une alimentation saine et équilibrée, au quotidien.

Les images déformées du plaisir

La perception du profil nutritionnel des aliments et du plaisir de manger est, elle aussi, généralement très contrastée dans toute l'Europe. Les fruits, les jus de fruits, les yaourts aux fruits et les fromages sont à la fois perçus comme plaisants et bons à la santé. Les yaourts à boire, les yaourts entiers, le verre de lait et les barres céréalières reçoivent un bilan plus neutre en termes de plaisir de consommation. En revanche, des aliments très appétissants comme le chocolat, les pâtisseries et les glaces sont clairement dissociés d'une alimentation saine, ce qui montre bien le décalage entre le plaisir et la santé. La perception de la santé apparaît donc plutôt liée à l'image subjective des ingrédients, qu'à leur profil nutritionnel réel. Un obstacle qui trouve logiquement ses origines dans les connaissances limitées du consommateur en matière de nutrition. La glace, à ce sujet, possède une image assez négative en comparaison d'autres produits comme les barres de céréales, le fromage, les cookies ou les tartes aux fruits qui peuvent malgré tout procurer davantage de calories, que ce soit en termes de graisses ou de sucres. Un autre exemple frappant est celui des Italiens qui considèrent que les colas et les jus de fruits comportent des lipides...

Grignotage: pas de modèle européen

En matière de snacking, les différences culturelles sont également flagrantes. Les Allemands sont de loin les plus grands grignoteurs, avec près de 7 prises par jour, principalement l'après-midi et en soirée. Leurs choix se portent avant tout sur les pâtisseries et les sodas, puis sur les jus de fruits, les fruits et les yaourts. Anglais et Français arrivent en seconde position, avec 5 prises journalières. Les premiers grignotent l'après-midi et le soir, ont des choix comparables aux Allemands, mais seraient les plus grands consommateurs de chocolats et de barres céréalières. Les Français associent traditionnellement snack et dessert, aux repas principaux et sont les plus gros consommateurs de fromages et de yaourts. Les Suédois font une pause gourmande 4 fois par jour, surtout le soir, privilégient avant tout les fruits et le fromage et sont les plus grands consommateurs de glaces. Les Italiens résistent mieux aux confiseries et ferment la marche avec 3.5 prises quotidiennes, essentiellement l'après-midi, avec des pâtisseries, des fruits et des yaourts. Chaque snack a aussi son moment de consommation. Les jus de fruits, le yaourt, les pâtisseries et les barres céréalières sont appréciés le matin. Fruits et sodas sont consommés toute la journée. La consommation de fromage varie d'un pays à l'autre : au petit déjeuner en Suède, à midi au Royaume-Uni et en France, le soir en Italie, en Allemagne et en France. Les produits laitiers frais sont principalement consommés au souper et en soirée, idem pour les glaces, le chocolat et les snacks salés.

Et que pensent les Belges?

Cette question, OLA l'avait également posé en 2004 à 1000 personnes âgées de 20 à 65 ans. Les conclusions relevaient également autant de paradoxes que ce dernier sondage européen. L'alimentation possède un rôle clairement émotionnel, mais combiner plaisir et équilibre apparaît à nouveau difficile, surtout pour les femmes. Près de deux tiers déclarent connaître les rudiments d'une alimentation équilibrée. Un tiers des hommes et la moitié des femmes culpabilisent (à propos de leur poids) après un écart, même si cette culpabilité ne correspond pas forcément à la réalité nutritionnelle. Parmi les causes invoquées pour cette « anxiété alimentaire », le manque d'offre de produits adaptés est mis en avant, alors que le choix n'a jamais été aussi grand qu'aujourd'hui ! Le manque d'information claire est également pointé du doigt. Quant à la glace, même perception négative que dans la plupart des pays européens : elle peut difficilement s'intégrer dans une alimentation équilibrée, en tout cas moins que le fromage frais, le vin, la bière ou le chocolat... Un chauvinisme à la belge ?

Quoi qu'il en soit, ces deux études mettent en lumière les fossé toujours existant entre les bonnes intentions du consommateur et ses connaissances limitées en matière de nutrition, ce qui explique en partie certaines de ses confusions et sa difficulté à concrétiser le plaisir dans son désir de manger sainement. La présence de repères simples, donc de gestes adaptés, apparaît à n'en pas douter incontournable...

Nicolas Rousseau,Diététicien nutritionniste

Références:

Healthy Eating : Attitude and Behaviour. Research International. Ola. March 2007 Etude quantitative Alter Echo auprès de 614 familles belges, novembre 2004

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