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Antioxydants, gastronomie et santé

La période des fêtes est souvent l'occasion de reléguer les considérations diététiques au placard, pour les ressortir plus tard... Place à la gastronomie, à la symphonie du goût, dans laquelle la santé est encore et toujours perçue comme une fausse note. Mais tout ce qui est bon pour le goût n'est pas mauvais pour la santé. La preuve par les antioxydants.

Par Nicolas Guggenbühl

" HEALTH & FOOD " numéro 74, Décembre 2005

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Le chimiste voit dans les antioxydants des « trappeurs » de radicaux libres, le médecin ou le pharmacien décèle des composés protecteurs vis-à-vis du stress oxydatif, le grand public n’y voit rien dans la plupart des cas ! Mais le professionnel de la santé, qu’il soit médecins diététicien, nutritionniste…) peut aussi y voir des marqueurs d’une certaine qualité de l’alimentation capable, dans bien des cas, de réconcilier les frères ennemis que sont Monsieur Gastronomie et Docteur Santé.

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Les résultats des recherches de ces dernières années convergent pour dire que l’intérêt des antioxydants pour la santé en général – à la différence de certaines situations spécifiques où l’on cherche un effet plus ciblé – réside avant tout dans la diversité des composés ingérés. Ils gagnent à être trouvés en quantité suffisante, sans excès, plutôt qu’en doses massives d’une ou d’une poignée d’antioxydants. Cela fait le bonheur de la diversité alimentaire, des couleurs et des saveurs. Car si les fruits et les légumes sont certes des pourvoyeurs importants d’antioxydants, ils n’en sont pas les seuls. Presque toutes les familles d’aliments en contiennent, même si le règne végétal en est à la base mieux fourni. Dans les boissons, par exemple, on évoque souvent la richesse en catéchines du thé, surtout le thé vert, mais on parle moins des antioxydants du café, pourtant bel et bien présents.

Couleurs et saveurs

Les antioxydants donnent de la couleur... et du goût. Les caroténoïdes se déclinent du jaune pâle (parfois masqué par le vert de la chlorophylle) au rouge vif de la tomate, les myrtilles concentrent les anthocyanes réputées pour la ténacité des tâches, l’intensité du rouge de la robe d’un vin ou du noir d’un chocolat signe la présence de nombreux flavonoïdes, etc.

La grande famille des composés phénoliques, qui abrite de milliers d’antioxydants différents, laisse aussi une empreinte gustative, que l’on aime ou pas, mais que l’on peut aussi apprendre à apprécier. Les végétaux issus de l’agriculture biologique ont généralement plus de goût, et ils s’avèrent aussi être plus riches en polyphénols. Une huile d’olive qui a du goût (vierge-extra) en contient plus qu’une huile d’olive raffinée, nettement moins sapide, les tannins du vin sont des composés phénoliques, etc. Mais prenons quelques exemples concrets : huile d’olive, vin rouge et chocolat, trois vieux complices de la gastronomie qui n’ont pas fini de distiller leurs secrets…

Huile d’olive

Elle a acquis ses lettres de noblesse dans l’alimentation méditerranéenne, dont elle est le porte-drapeau. Pourtant, il y a huile et huile… Aujourd’hui, il en existe pour tous les goûts et pour toutes les bourses, et toutes sont riches en acide oléique, l’acide gras mono-insaturés qui s’est un peu vite accaparé les bienfaits du régime Crétois. Mais question antioxydants, c’est le caractère raffiné ou non (vierge-extra) qui fait la différence.

Récemment, des chercheurs de Cordoba, en Espagne, ont comparé chez 21 participants hypercholestérolémiques, l’effet d’une l’huile d’olive vierge à celle d’une huile d’olive raffinée de la même marque (1). Ils ont effectué, après chaque prise, un test pour évaluer la vasodilatation dépendante de l’endothélium. Un dysfonctionnement endothélial est, en effet, de plus en plus considéré comme un facteur prédictif du risque cardiovasculaire. Les chercheurs ont constaté qu’après le repas à l’huile d’olive riche en composés phénoliques (400 ppm), la fonction endothéliale était significativement améliorée, de même que l’oxyde nitrique (NO). Bien qu’il s’agisse d’une petite étude, elle révèle que les composés phénoliques de l’huile d’olive vierge-extra bénéficient de propriété vasorelaxantes, ce qui est susceptible de contribuer à la « cardioprotection » de l’alimentation méditerranéenne.

Vin rouge

Le resvératrol, un antioxydant présent dans le raisin et… le vin rouge (surtout à base du cépage Pinot noir). C’est à lui que l’on attribue, de manière un peu simpliste, l’effet « cardioprotecteur » du vin rouge (au-delà des effets favorables de petites quantités d’éthanol sur le HDL), effet repris sous le concept du Paradoxe Français. Mais ce n’est pas la sphère cardiovasculaire, mais la tête qui fait l’objet des dernières découvertes.

L’épidémiologique suggère qu’une consommation modérée de vin rouge est associée à une incidence plus faible de maladie d’Alzheimer. Plusieurs travaux ont déjà rapporté un effet potentiellement neuroprotecteur des antioxydants du vin rouge, mais les mécanismes restent obscurs. Une équipe du Litwin-Zucker Research Center for the Study of Alzheimer’s Disease and Memory Disorders a Manhasset (New York, États-Unis) s’est intéressée à l’effet du resvératrol sur différentes lignées cellulaires qui produisent de la bêta-amyloïde, la substance protéique dont l’accumulation forme les plaques séniles responsables de la maladie d’Alzheimer (2). Elle rapporte que le resvértrol diminue les taux de bêta-amyloïde, pas en réduisant sa formation, mais en accélérant son épuration. Cet effet passe par un effet du resvératrol sur le protéasome, un complexe capable de « digérer » certaines protéines spécifiques en polypeptides et en acides aminés.

Chocolat

Enfin, le chocolat est lui aussi un aliment dont les antioxydants, les flavanols, en font une confiserie pas comme les autres. Des chercheurs du Heinrich-Heine-Université à Dusseldorf (Allemagne), ont examiné, auprès d’une douzaine de fumeurs en bonne santé et âgés d’une trentaine d’années, l’effet de ces flavanols sur la fonction endothéliale (3). Ils ont pris des fumeurs sachant que leurs vaisseaux répondent moins bien aux changements de flux sanguin. Les participants ont donc pris, selon un protocole en cross-over, une boisson riche en flavanols, ou une boisson ayant le même goût, mais ne contenant que très peu de flavanols.

L’expérience montre qu’après ingestion de la boisson riche en flavanols, il y a une augmentation significative du NO circulant et de la dilatation médiée par le flux. Les changements observés sont corrélés à l’augmentation des métabolites des flavanols retrouvés dans le sang. De plus, cette amélioration ne se retrouve plus lorsque la boisson riche en flavanols est accompagnée d’un médicament qui interfère avec l’activité du NO (L-NMMA), ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle le cacao agit notamment sur ce facteur de relaxation de l’endothélium.

Bien entendu, il ne s’agit là que d’études pilotes qui ne permettent pas de tirer de grandes conclusions. Si ce n’est que de nombreux antioxydants différents se trouvent, çà et là, dans les aliments, et que la gastronomie peut leur faire la part belle en privilégiant la qualité à la quantité, avec à la clé du plaisir qui, lui aussi, est facteur de santé !

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste

Ruano J et al. J Am Coll Cardiol. 2005;46(10):1864-8.
Marambaud Ph et al. J Biol Chem. 2005;280(45):37377-82
Heiss C et al. J Am Coll Cardiol. 2005;46(7):1276-83.

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