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De la bière au pays du vin ?

Il y a certains signes qui ne trompent pas. Au cours des récents Entretiens de Nutrition*, consacré au thème du vin, de la bière et de l'alcool, plusieurs scientifiques français ont reconnu que la petite mousse et le jus de la treille pouvaient exercer des effets cardioprotecteurs similaires. Une confession hautement symbolique...

Par Patrick Mullie

" HEALTH & FOOD " numéro 66, Août/Septembre 2004

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Les derniers Entretiens de Nutrition étaient relevés par la présence de Michel de Lorgeril, dans le non moins prestigieux Institut Pasteur de Lille. Les scientifiques français se rendent désormais à l’évidence : la bière n’a plus grand chose à envier au vin rouge dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires. Peut-être est-ce le fruit du hasard, mais Louis Pasteur consacra par ailleurs une grande partie de sa vie à l’étude de la bière…

Qui est de Lorgeril?

Michel de Lorgeril (1) a effectué un travail de pionnier au début des années nonante avec la célèbre étude de Lyon. Un groupe de 605 patients ayant survécu à un premier infarctus a été suivi entre 1988 et 1992. Les patients du groupe expérimental ont reçu une alimentation de type méditerranéen alors que le groupe contrôle a uniquement reçu des conseils diététiques (le régime classique, pauvre en acides gras saturés et en cholestérol). L’étude a dû stopper rapidement les frais au vu des résultats obtenus dans le groupe expérimental : l’incidence de l’infarctus non fatal était 70 à 80 % plus basse que celle observée dans le groupe contrôle. Ces dernières années, de Lorgeril s’est avant tout consacré à l’étude du « préconditionnement »…

L’éthanol comme les oméga 3?

Le “préconditionnement” suppose la préparation maximale du myocarde aux conséquences délétères de l’infarctus. Il est établi depuis un certain temps déjà que, dans certaines circonstances, le travail du myocarde cesse après un léger infarctus, alors que dans d’autres cas, le travail continue, même après un infarctus sévère.
Comment expliquer ces situations paradoxales ? La réponse à cette question pourrait sauver beaucoup de vie, car on pourrait « vacciner » le myocarde contre un éventuel accident ischémique.
Guiraud et al (2) ont montré chez l’animal qu’une certaine dose d’éthanol pouvait être administrée à titre de vaccination au myocarde. Cet effet protecteur est comparable à celui observé avec les oméga-3 : en effet, plusieurs études suggèrent que le risque de mort subite diminue sensiblement avec la prise régulière de ce type d’acides gras.

Un dénominateur commun

D’après Michel de Lorgeril, cette influence positive de l’éthanol (et fatalement du vin ET de la bière) ne se manifesterait pas de manière extraordinaire sur les lipides sanguins. Si l’éthanol augmente bien le HDL-cholestérol et réduit l’aggrégation plaquettaire, son action à ce niveau n’est pas suffisament puissante pour expliquer cette protection favorable. Et pourtant, l’épidémiologie soutient clairement l’impact de l’éthanol dans la prévention cardiovasculaire. Pour le cardiologue français, l’effet se mesurerait plutôt surtout sur la stimulation de la production de monoxyde d’azote (NO), et donc sur la prévention de l’ischémie cardiaque et des lésions endothéliales.
Dans cette hypothèse, il apparaît clairement que l’éthanol puisse expliquer l’effet cardioprotecteur d’une consommation régulière de vin… et de bière. En quelles quantités ? Concrètement, de l’ordre d’un verre par jour pour la femme et de deux verres par jour pour l’homme.
L’alcool est cependant plus qu’un aliment ordinaire, qui peut provoquer une véritable dépendance s’il n’est pas consommer correctement. Dans la pratique, il n’y a pas aujourd’hui plus d’arguments pour encourager une personne qui ne boit pas d’alcool à en consommer tous les jours, mais plutôt des arguments suffisants pour justifier une consommation régulière responsable…

Patrick Mullie
Diététicien

* Entretiens de Nutrition – Vin, bière et alcool. Institut Pasteur de Lille, 4 juin 2004

Ref.:
De Lorgeril M et al. Circulation 1999; 99: 779-785.
Guiraud A et al.. J Mol Cell Cardiol. 2004;36(4):561-6.

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