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Arabica ou déca ?

C’est à la caféine que l’on attribue la plus grande partie des effets physiologiques du café. A tort ou à raison ?

Par Nicolas Rousseau

" HEALTH & FOOD " numéro 56,
Novembre-Décembre 2002

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Réveil-matin pour certains, pause stimulante pour d’autres, les occasions de faire tourner la machine à café sont multiples au cours d’une journée. Les grands buveurs du « petit noir » optent parfois pour sa version débarrassée de l’alcaloïde, le café décaféiné, espérant ainsi se ménager. Pourtant, les données récentes indiquent que la caféine n’est pas le seul acteur…

Caféine et tension : mauvaise piste ?

L’effet hypertenseur de la caféine a déjà fait couler beaucoup d’encre et amène à modérer, voire à supprimer, les sources de caféine chez l’hypertendu. Une équipe suisse (1) suggère cependant que ce principe actif pourrait être hors de cause chez les accros du thermos. Les auteurs ont mesuré la pression artérielle (PA), le rythme cardiaque et l’activité du système nerveux sympathique (SNS, qui joue un rôle important dans la régulation centrale de la PA) chez 15 adultes âgés de 27 à 38 ans. Six d’entre eux étaient des consommateurs habituels, les 9 autres comprenaient des abstinents et des buveurs occasionnels. Chaque mesure biologique a été effectuée avant, pendant et après 4 situations : la consommation d’un triple expresso, la prise d’un triple expresso décaféiné et l’administration intraveineuse d’une quantité équivalente de caféine et d’un placebo.

Chez les buveurs ponctuels, la consommation du «vrai» expresso s’est accompagnée d’une augmentation significative de la PA (+ 12 mm de Hg) au bout d’une heure, alors qu’aucun changement n’était visible pour les habitués au café. Paradoxalement, on observait une augmentation similaire de l’activité du SNS dans les deux groupes (29 % après 30’ et 53 % après 60’), aussi bien avec l’expresso qu’avec l’administration intraveineuse de caféine. Le mystère s’obscurcit un peu plus, puisque la consommation de la boisson décaféinée engendre une élévation de la PA systolique chez les buveurs sporadiques…mais pas chez les habitués. Pour le Dr Roberto Corti, cardiologue à l’Hôpital Universitaire de Zurich, il est clair qu’une autre molécule, inhibitrice de la caféine, exerce un effet stimulateur sur le système cardiovasculaire. Le réflexe percolateur induit peut-être une tolérance à ce nouveau composé dont on ignore tout pour le moment. Ce n’est pas étonnant puisque le café serait fort de plus de 700 substances…Tout porte donc à croire que si l’on boit du café, mieux vaut le faire régulièrement, qu’il soit déca ou pas, sans pour autant forcer sur la dose.

Et l’acide chlorogénique ?

Une autre étude (2), américaine cette fois, jette encore un peu plus d’eau au moulin à café. Elle concerne l’effet de la caféine sur un autre facteur de risque des maladies cardiovasculaires : l’hyperhomocystéinémie. Dans cet essai, 21 hommes et 27 femmes, grands buveurs de café dans l’âme (plus de 6 tasses par jour), ont reçu pendant 2 semaines soit une capsule contenant 870 mg de caféine, soit l’équivalent en tasses de café (4 cafés filtrés bien serrés), soit un placebo. Curieusement, l’augmentation la plus marquée de l’homocystéinémie à jeun s’est produite avec le café (+ 11 %), contre + 5 % pour le supplément de caféine. L’hypothèse d’un autre composé se renforce encore un peu. Serait-ce l’acide chlorogénique (un polyphénol) ? Peut-être. En tout cas, il passe à travers les mailles du filtre à café…

N.G.

Ne pas broyer du noir

Faut-il une fois pour toutes abandonner l’idée de savourer chaque jour l’arôme du grain de café torréfié ? La caféine n’a pas que des mauvais côtés. Une étude hollandaise (3), conduite chez 17000 volontaires, émet l’hypothèse que l’alcaloïde (associé probablement à d’autres nutriments comme le magnésium et… l’acide chlorogénique) pourrait réduire le risque de survenue de diabète de type 2 chez les grands buveurs de café. En effet, les personnes qui consommaient quotidiennement plus de 7 tasses de café voyaient le risque de contracter la maladie baisser de 50 % par rapport aux buveurs plus modestes ( 2 tasses ou moins). Cette relation se maintenait même après correction de certains facteurs confondants (tabagisme, BMI, consommation d’alcool). Les auteurs de l’étude s’appuient sur d’autres données pour affirmer que le café diminue la glycémie à jeun, un phénomène absent avec le café décaféiné.

La caféine n’a de toute évidence pas fini de faire parler d’elle. Faut-il encore lire l’avenir dans le marc de café ?

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

Réf. :
(1) Jones MP et al, Dig dis Sci 2002;47(10):2222-30
(2) Nakaji S et al, Eur J Nutr 2002;41(6):244-8
(3) Cuomo R et al, Eur J Gastroenterol Hepatol 2002 ;14(9):991-9

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