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Cholestérol et phytostérols :
l’arbre qui cache la forêt…


Les produits enrichis en phytostérols représentent une nouvelle arme diététique pour combattre le cholestérol. Pourtant, les phytostérols sont connus depuis plus de 50 ans et se retrouvent, çà et là, dans notre assiette…

Par Nicolas Rousseau, Patrice Cani

" HEALTH & FOOD " numéro 54,
Août-Septembre 2002

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Les phytostérols sont à la plante ce que le cholestérol est à l’homme et l’animal : essentiels ! Ils contrôlent la fluidité et la perméabilité des membranes cellulaires. La nature en compte environ 250 différents, présents dans la fraction lipidique des végétaux. Les formes les plus répandues sont le sitostérol, le stigmastérol et le campestérol. Si les principales sources alimentaires de phytostérols et de phytostanols – les dérivés hydrogénés des phytostérols – sont aujourd’hui deux tartinables, Becel Pro-Activ et Benecol, celles-ci ne sont pas exclusives…

Moins d’un gramme

Avant l’arrivée des ces nouveaux produits, un régime européen traditionnel apportait chaque jour de 160 à 360 mg de sitostérol et campestérol, ainsi que 20 à 50 mg de sitostanol (souvent 10 % environ de l’apport en phytostérols) (1). On observe cependant des variations entre les populations : en Angleterre et aux Pays-Bas, la consommation atteint péniblement 200 mg/j alors qu’en Finlande, elle culmine à 400 mg/jour, autant qu’au Japon. Chez les végétariens, ce niveau de consommation peut même se rapprocher du gramme.

La richesse en phytostérols de l’alimentation dépend de deux paramètres : la consommation de végétaux (céréales, surtout sous forme complète, légumes, fruits, légumineuses) et le type de végétaux consommés (certains en sont plus riches) (2). En général, les huiles végétales non raffinées et les produits dérivés sont naturellement riches en phytostérols, devant les céréales et leurs dérivés (le pain), les noix, puis certains fruits et légumes (les crucifères, en particulier) (tableau 1).

La consommation de certains fruits de mer, comme les huîtres, les palourdes, les coquilles Saint-Jacques en fournissent également des quantités non négligeables, au point de pouvoir concurrencer une alimentation de type végétarien, dans certaines régions.

Le seigle (via le pain) et l’huile de colza figurent assez souvent au menu des ménages finlandais. Faut-il donc y voir une explication à leur plus forte exposition alimentaire aux phytostérols ? Probablement, tout comme, le fait que le riz, le soja et leurs dérivés font partie des habitudes alimentaires au Japon…

Tableau 1 :
Composition en phytostérols de certains aliments
(en g/kg pour les huiles et les oléagineux;
en mg/kg pour les autres végétaux)
Aliment
Stérols totaux
Huile de riz (non raffinée)
32.25
Huile de maïs (non raffinée)
8.09-15.57
Huile de colza (non raffinée)
5.13-9.79
Huile de tournesol (non raffinée)
3.74-7.25
Huile de soja (non raffinée)
2.29-4.59
Cacahuètes
2.20
Huile d’olive vierge extra
1.44-1.50
Amandes
1.43
Maïs
1780
Seigle
910-1100
Blé
603-690
Avoine
329-520
Choux de Bruxelles
430
Chou-fleur
400
Broccoli
390
Orange
240
Pomme
130
Pomme de terre
38

La nature et l’homme ont leurs caprices

Dans le cas de l’huile de soja, par exemple, on observe des différences selon le génotype de la fève qui peut influencer, aussi bien au cours de la croissance que du stockage, la composition en phytostérols, en particulier la concentration en sitostérol.
Le raffinage des huiles altère considérablement le profil en phytostérols de l’huile crue, d’une part en enlevant une partie, d’autre part en provoquant des réactions d’oxydation et d’isomérisation sur les phytostérols survivants(2). Pour l’huile de maïs, de soja et de colza, ces pertes s’élèvent respectivement à 36, 18 et 24 %. De quoi donner un avantage tangible aux huiles non raffinées.
La cuisson, en particulier à température élevée (soit à la poêle, au four, à la friture…) et pendant une longue durée, malmène les phytostérols (on retrouve des stérols oxydés dans les frites, notamment). Pour cette raison, il est recommandé de ne pas surcuire les aliments, et pour les margarines enrichies en phytostérols, d’ajouter une noix de matière grasse plutôt en fin de cuisson. Notons que la forme hydrogénée (phytostanol) présente une meilleure résistance à la chaleur.

Dans le cas des céréales, des fruits et des légumes, la maturation et les conditions de stockage sont les facteurs limitants. Les fruits et les légumes mangés à maturité sont plus riches en phytostérols (jusqu’à un facteur 12 pour une tomate mûre, par exemple). Curieusement, la proportion de phytostérols contenue dans les fruits ou les légumes semble également augmenter s’ils sont conservés à basse température (au frigo ou à la cave), sans que l’on ne trouve, à l’heure actuelle, d’explication…

Un même transporteur

Malgré la présence de quantités acceptables de phytostérols et de phytostanols dans les végétaux, à ce niveau de consommation, l’impact sur l’absorption du cholestérol demeure sans doute faible (même s’il n’a pas été estimé avec précision). L’action bénéfique est optimale pour des apports de 1,5 à 3 g par jour, ce que recommandent les margariniers…

Le mécanisme exact selon lequel les phytostérols (et les phytostanols) diminuent le LDL-cholestérol (de 10 à 15 %) n’est pas encore complètement élucidé, mais plusieurs pistes sont proposées (3). D’abord, ils empêcheraient la solubilisation du cholestérol dans les micelles, étape indispensable à son absorption intestinale. Ensuite, le cholestérol trouve un concurrent de choix pour ses transporteurs intestinaux et hépatiques (ABCG5 et ABCG8). En effet, les phytostérols passant la barrière intestinale et arrivant au foie sont excrétés par ces transporteurs dans la bile et se trouvent à nouveau dans la lumière intestinale. Ils peuvent donc réitérer leur effet compétitif sur la solubilisation du cholestérol. Ce pool négatif induit une réponse du foie, avec une augmentation de la synthèse du cholestérol et une baisse de production des particules LDL. Mais cette compensation n’est vraisemblablement pas totale chez la plupart des individus (1,3). Par ailleurs, il a été démontré récemment que le peu de phytostérols qui est absorbé (en théorie de 0 à 5%), accroît encore l’expression des récepteurs aux LDL dans les cellules mononucléaires du sang, ce qui concourait aussi à réduire la cholestérolémie.

Dans les entreprises

Le cholestérol est aussi sous le feu des projecteurs dans les restaurants d’entreprises : il fait l’objet, au cours de cette semaine du cœur, d’une campagne de sensibilisation, parrainée par la LCB et Becel. Objectif : conscientiser les personnes qui travaillent sur la problématique du cholestérol et, in fine, sur la nécessité d’une alimentation saine hors foyer. Plus de 90 collectivités belges ont participé à l’aventure et quelque 50.000 personnes ont pris leur repas quotidien sur un set de table informatif et ont reçu la nouvelle brochure de la LCB. Une belle initiative quand on sait qu’encore trop peu de belges modifient leur style de vie après avoir été informé de leur excès de cholestérol, ce qui témoigne des connaissances limitées des risques en la matière (selon une enquête de Becel, 60 % des personnes interrogées ne connaîtraient pas leur taux de cholestérol).

Nicolas Rousseau, Patrice Cani
Diététicien Nutritionniste

Réf.
(1) Nigon F et al. Sang Thrombose Vaisseaux 2000 ; 12(8) : 483-90
(2) Piironen V. et al. J Sci Food Agric 2000;80 : 939-966
(3) Plat an Mensink The Faseb Journal 2002; 16:258-60

* Des exemplaires de la brochure « Apprivoisez le cholestérol » peuvent être obtenus gratuitement auprès dela Ligue Cardiologique Belge – Rue des Champs Elysées, 43 à 1050 Bruxelles – Tél. 02/649 85 37 Fax. 02/649 28 28 – e-mail : ligue.cardio.liga@euronet.be

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