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Stress oxydatif & articulations

Les mécanismes de l’arthrose sont multiples mais on n’a peut-être pas accordé jusqu’à présent suffisamment d’attention au rôle physiopathologique potentiel des radicaux libres dans la genèse de cette affection.

Si les experts s’accordent pour reconnaître au stress oxydatif un rôle dans la genèse de l’arthrose, les mécanismes sous-jacents à cette situation sont longtemps restés ignorés, ou tout au moins mal compris. Aujourd’hui, plusieurs mécanismes peuvent être invoqués. Ainsi par exemple, une des hypothèses explicatives qui ont été proposées passe par la génétique. On connaît l’impact des radicaux libres sur les gènes, entraînant à leur niveau une relative instabilité par les changements structurels qu’ils induisent. Cette action délétère est particulièrement cruciale au niveau des télomères, ces extrémités boursouflées des chromosomes, si l’on se souvient que ceux-ci jouent un rôle déterminant dans la longévité cellulaire et, par là, dans le renouvellement des tissus. Les chondrocytes, en effet, sont non seulement les cellules matures du cartilage mais aussi les véritables gardiens de l’intégrité du cartilage. Si leur survie est compromise par une altération des télomères des chromosomes de ces cellules, celle du cartilage lui-même l’est aussi.

Régénération freinée

Des expériences très parlantes ont été réalisées par Yudoh et al. pour tester cette hypothèse. Ces auteurs ont étudié les dommages engendrés par le stress oxydatif et les résultats de mesures d’inhibition de ce stress oxydatif, sur les fragments de cartilage de donneurs. Pour ce faire, ils ont comparé des zones intactes et des zones arthrosiques d’un même prélèvement, effectué chez une série de personnes. Pour évaluer l’état de ces fragments de cartilage en culture, ils ont utilisé un marquage histologique de la nitrotyrosine, utilisée comme marqueur du stress oxydatif. Le potentiel de multiplication des chondrocytes dans des fragments soumis à l’action de radicaux libres ou à celle d’un antioxydant, la stabilité des télomères et la production des glycosaminoglycans ont été évaluées. C’est ainsi que ces chercheurs ont pu mettre en évidence une capacité antioxydative diminuée et un marquage plus fort de la nitrotyrosine dans les fragments arthrosiques de cartilage que dans les fragments intacts. Pour rappel, les glycosaminoglycans (GAG) font partie de la substance fondamentale cartilagineuse. Par leurs propriétés hygroscopiques, ils retiennent autour d’eux de grandes quantités d’eau. Or, les caractéristiques de souplesse et la capacité d’amortissement des chocs mécaniques dépendent précisément de la bonne hydratation du tissu cartilagineux.

Allongement des télomères

Plus encore, l’intensité du marquage de la nitrotyrosine était en corrélation avec les altérations du cartilage arthrosique. Tout cela suggérait une corrélation entre l’intensité du stress oxydatif et l’importance de la dégénérescence cartilagineuse. Effectivement, le traitement des fragments de cartilage en culture par des radicaux libres engendrait un raccourcissement des télomères dans les chondrocytes, une diminution de la capacité des chondrocytes à se multiplier et un ralentissement de la production des GAG. Par contre, les cartilages traités avec un antioxydant montraient dans leurs chondrocytes une tendance à l’allongement des télomères et un allongement de la longévité de ces cellules. Les auteurs considèrent à juste titre que toutes ces constatations vont dans le sens de l’hypothèse exposée plus haut, celle d’un rôle du stress oxydatif dans le vieillissement du cartilage et dans sa destruction au cours du phénomène d’arthrose.

Glutathion oxydé

D’autres expériences encore viennent renforcer le faisceau d’arguments en faveur de l’hypothèse oxydative de l’arthrose. Entendons-nous, là n’est pas le seul mécanisme de la dégénérescence du cartilage mais le stress oxydatif en est l’un des responsables. Del Carlo et Loeser ont étudié eux aussi son impact sur des chondrocytes en culture. Ils ont pu montrer que sous l’action d’un agent oxydant, un plus grand nombre de ces cellules mouraient dans les prélèvements provenant de personnes de plus de 50 ans que dans les échantillons obtenus chez des personnes plus jeunes. Et dans ces cartilages «âgés», le rapport entre la forme oxydée du glutathion et sa forme réduite (GSSG/GSH) était plus élevé que chez les jeunes, ce qui plaidait en faveur d’un stress oxydatif plus important et d’une moindre résistance des chondrocytes.

Dr Jean Andris

Références:

Del Carlo M Jr. , Loeser RF. Increased Oxidative Stress With Aging Reduces Chondrocyte Survival Correlation With Intracellular Glutathione Levels. Arthr Rheum 2003; 48(12): 3419–3430. DOI 10.1002/art.11338

Yudoh K, van Trieu N, Nakamura H et al. Potential involvement of oxidative stress in cartilage senescence and development of osteoarthritis: oxidative stress induces chondrocyte telomere instability and downregulation of chondrocyte function. Arthritis Research & Therapy 2003; 7(2): 380-91.


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