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Sommeil & obésité: un cercle vicieux!

L’obésité touche actuellement 420 millions de personnes dans le monde. Une multitude de co-morbidités lui son associées, dont les troubles du sommeil. Plusieurs experts ont tenté d’expliquer ce lien étroit existant entre sommeil et obésité lors du Symposium organisé par l’Institut Danone le 16 octobre dernier à Bruxelles.

Peu de personnes sont conscientes du lien existant entre sommeil et obésité. Or, le manque de sommeil peut effectivement être un facteur favorisant la prise de poids et à l’inverse, une obésité peut engendrer des troubles du sommeil entraînant à leur tour fatigue et somnolence diurnes. La conséquence direct d’un tel manque de sommeil est une altération de la vie sociale et professionnelle. Heureusement, des solutions existent.

Dormir: indispensable!

Le grand public à souvent tendance à assimiler le terme « sommeil » avec « repos ». En effet, la sensation de fatigue en soirée est bien souvent envolée lors du réveil le lendemain matin. Cependant, les études menées dans le domaine du sommeil ont révélé que lorsque l’on dort, le cerveau est paradoxalement en pleine activité.

Le sommeil remplit au moins deux fonctions vitales pour notre cerveau. Dans un premier temps, il a une fonction réparatrice nécessaire après l’activité cérébrale fournie en période de veille. Dans un second temps, en période de sommeil, la plasticité du cerveau réorganise les connexions synaptiques, ce qui a comme conséquence de renforcer «les traces de mémoire» et d’améliorer les performances cognitives et cérébrales le jour qui suit.

Le sommeil n’est donc pas seulement nécessaire au développement harmonieux des enfants et adolescents mais est également indispensable aux adultes. Une insomnie ou un sommeil perturbé a en effet des conséquences au cours de la journée suivante (somnolence accrue, baisse de vigilance, troubles de la mémoire, chute des performances ou encore troubles de l’humeur). Voilà qui explique pourquoi nous passons en moyenne le tiers de notre vie dans les bras de Morphée.

De moins en moins d’heures de sommeil

Aujourd’hui, de moins en moins de citoyens des pays industrialisés accordent de l’importance au temps accordé au sommeil. L’expression « Métro-boulot-dodo » a évolué pour devenir « Métro-boulot-télé ou ordi ». Selon plusieurs études, le temps alloué au sommeil aurait diminué d’environ 1h30 au cours des 50 dernières années, tout âge confondu.

Chez les adultes, 30% des personnes âgées entre 30 et 64 ans dorment moins de six heures par nuit. Chez les ados, alors que les besoins en heures de sommeil se situent aux alentours de 9 heures, une poignée seulement d’entre eux respectent ces recommandations.

L’Europe n’est pas épargnée par ce phénomène puisque des enquêtes récentes menées en 2008 montrent que 17% des personnes âgées entre 25 et 45 ans accumulent une dette chronique de sommeil correspondant à la perte hebdomadaire d’une nuit complète de sommeil. Près de 33% des 18-55 ans dormiraient quant à eux moins de 6h par nuit et 78% des adolescents dormiraient 8h ou moins en semaine.

Conséquences directes sur le poids

Ce manque de sommeil a des conséquences sur le poids. En effet, l’augmentation exponentielle de la prévalence de l’obésité durant la deuxième moitié du 20e siècle semble s’être développée parallèlement à la diminution progressive du temps consacré à dormir.

Une des explication est que, chez des sujets jeunes et sains, la succession répétée de restrictions de sommeil peut entraîner une altération de la régulation neuroendocrinienne de l’appétit: la leptine, hormone anorexigène sécrétée par les adipocytes, voit alors ses concentrations diminuer et à l’inverse, la concentration en ghréline, hormone orexigène sécretée principalement par l’estomac, est augmentée.

De nombreuses études cliniques et épidémiologiques ont été réalisées dans le domaine et elles vont toutes dans le même sens: la restriction de sommeil engendre une augmentation du risque d’obésité, à tout âge et après ajustement d’une série de facteurs de confusion. Outre l’augmentation de la fréquence de grignotage et la perturbation de la régulation neuroendocrinienne, d’autres mécanismes seraient à l’origine de cette augmentation du risque d’obésité: taux de cortisol accrus en soirée, sensibilité à l’insuline plus faible lors de restrictions répétées de sommeil,...

Il semble donc que la réduction du temps de sommeil, majoritairement observée dans notre société moderne, puisse être un facteur de risque environnemental et comportemental impliqué dans la physiopathologie de l’obésité. A l’inverse, l’obésité peut être à l’origine de troubles du sommeil.

Perdre du poids pour un meilleur sommeil

L’analyse du sommeil nocturne de patients obèses montre que ces derniers se réveillent très fréquemment (hyperéveil) la nuit. Ils s’endorment de ce fait trop facilement pendant la journée (hypoéveil). L’hyperéveil nocturne explique également pourquoi tant de patients obèses se lèvent la nuit pour grignoter.

Le mécanisme à l’origine de cette perturbation de sommeil et de l’éveil chez les personnes obèses n’est malheureusement pas encore bien élucidé. Néanmoins, des études indiquent que la masse grasse de ces sujets engendre une augmentation de la production de substances inflammatoires induisant le sommeil avec un pic de production matinal vers 6-7heures. Voilà pourquoi ces patients sont si somnolents pendant la journée.

Le plus souvent, les personnes obèses ne sont pas conscientes de la perturbation de leur sommeil nocturne. C’est notamment le cas lorsqu’ils souffrent du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Cette pathologie très fréquemment rencontrée chez les sujets obèses se traduit par des ronflements nocturnes entrecoupés de silences, reflets d’une respiration très faible (hypopnée) ou inexistante (apnée) et due à une obstruction de la gorge. Ces apnées ou hypopnées se terminent par des réveils de courtes durées, suivis par la reprise brutale des ronflements. Un patient apnéique du sommeil peut ainsi se réveiller entre 30 et 60 fois par heure.

Le manque d’oxygène chez ces patients entraîne une augmentation du risque de morbi-mortalité cardiovasculaire. En outre, les obèses morbides peuvent souffrir d’un syndrome obésité-hypoventilation se traduisant par des respirations trop peu fréquentes entre deux apnées. Il s’en suit une augmentation des taux d’acide carbonique aggravant encore le déficit en oxygène.

Chez ces patients, la perte de poids entraînerait une diminution significative de la gravité du SAOS voire même sa disparition complète.

En situation de SAOS grave et dans l’attente d’une perte de poids significative, les patients obèses peuvent être traités par CPAP (Contiuous Positive Airway Pressure) ou BiPAP (Bilevel Positive Airway Pressure), deux techniques qui vont faciliter la respiration du patient et lui permettre de dormir sur ses deux oreilles.

Etant données les difficultés éprouvées par les patients obèses de perdre du poids puis de le maintenir stable, il serait plus intéressant d’axer les efforts sur la prévention de cette pathologie, a fortiori chez les enfants chez qui elle est en croissance constante.

Alexandre Dereinne

Références:

D’après le symposium « Qui dort dîne ou qui dîne dort? » organisé par l’Institut Danone le 16 octobre 2010 à Bruxelles.


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